Plus de 15 000 taxis parisiens circulent dans les rues de la capitale. Des rues souvent embouteillées, rétrécies ou dont le sens a été modifié du fait de la série de travaux initiée par la Mairie de Paris. Cette dernière a mené clairement campagne contre la voiture à Paris. Les taxis étaient-ils aussi dans sa ligne de mire ?
Les travaux effectués par la Mairie de Paris sortent par les yeux de nombreux chauffeurs de taxi : construction et/ou élargissement des voies de bus par là et travaux de voirie de l’autre. Résultat, plus de temps pour faire une course, des clients mécontents et un chiffre d’affaire en diminution. Voilà posé le constat des problèmes de circulation des taxis à Paris, engendrés en partie par les aménagements réalisés en différents points de la capitale, notamment la construction du tramway des Maréchaux sud qui a cristallisé nombre de protestations. D’après l’Observatoire des déplacements à Paris, organisme qui dépend de la Mairie, il y a officiellement 15 200 licences accordées de taxis parisiens, et elles sont utilisées par 17 660 chauffeurs. Pourquoi un tel écart entre les deux chiffres ? Il existe différents statuts de chauffeurs. Premièrement, l’artisan qui est totalement propriétaire de sa licence qu’il a acheté environ 150 000 euros. Deuxièmement, le locataire qui loue une voiture équipée taxi à une société avec laquelle il signe un contrat commercial. Cette location, licence comprise, lui coûte entre 700 et 900 euros par semaine. Troisièmement, l’actionnaire qui est propriétaire de son véhicule et possède des parts dans une société qui lui attribue une place de stationnement. Enfin, le salarié d’une entreprise de taxi, et c’est là que la différence se joue essentiellement, car une même licence est utilisée par plusieurs chauffeurs.
La part des taxis dans la circulation parisienne est de 6%. La distance moyenne d’une course est de 4,5km. Sa durée de 21 min entre 7h et 21h un jour ouvrable (hors week-end et jours fériés), elle a augmenté d’une minute par rapport à 2005. Même si ce chiffre peut ne pas paraître significatif, quand on donne la parole aux chauffeurs, la version est tout autre. Ghania est chauffeur de taxi depuis trois ans. Après treize ans passés dans un bureau, elle a été rattrapée par le virus du taxi puisque son père et ses trois frères exercent la même profession. Elle appelle le Maire de Paris, le « Père Delanoë » et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle ne le porte pas haut dans son cœur : « Je n’en peux plus de ces barrières vertes et grises. On a envie de dire au Père Delanoë, les travaux finis-les quand tu les commences quelque part avant de t’attaquer à un autre chantier. »
En raison de l’état de la circulation dans la capitale, elle refuse désormais des courses dans certains arrondissements, comme d’autres collègues. Mohamed est lui, taxi parisien depuis dix ans : « Un jour, j’ai mis une heure pour aller de la Porte de la Chapelle à la gare du Nord. Avenue Jean Jaurès, Porte de Clignancourt, boulevards Ornano ou Barbès, ce sont des endroits que j’évite. » Tout comme Ghania qui a fui cette partie du 18e ainsi que le 10e du côté du passage des Petites écuries : « C’est le foutoir ! » Dans ces conditions, il est difficile de respecter le timing. Quand un client appelle un central radio, on lui propose une voiture dans « sept à huit minutes » voire « onze à douze minutes » contrairement aux « cinq à six minutes » d’il y a quelques années.
Selon une étude réalisée par le syndicat professionnel des centraux radio de taxi de Paris et de la région parisienne (qui fédère la profession à Paris : Taxis Alpha, Taxis G7, Taxis bleus et Taxis 7000), sur les trajets Paris intra-muros, la vitesse moyenne des taxis a baissé de 4,87% entre 2000 et 2005. Elle est passée de 16,4 km/h à 15,6. Cette diminution de la vitesse induit en bout de course une baisse de revenus dans la profession. Lucio, chauffeur indépendant depuis 1972, déclare « une perte de revenus de l’ordre de 500 euros par mois. » Mohamed, quant à lui, estime cette perte de l’ordre de 15 à 20%.
Un constat renforcé par les doléances exprimées par le syndicat professionnel des centraux de radio lors du débat public sur l’extension du tramway des Maréchaux organisé par la Mairie de Paris du 30 janvier au 15 mai 2006. « Avec la baisse progressive de la vitesse de circulation, le système des taxis parisiens, qui se caractérise par une difficile adéquation de l’offre et de la demande, vit actuellement une asphyxie lente mais inexorable. Il ne peut rester performant et attractif pour le public que si la vitesse de circulation retrouve un niveau suffisant pour assurer la fluidité de l’offre. »Raison pour laquelle les chauffeurs de taxis ont demandé à la Mairie de Paris de pouvoir utiliser les voies empruntées par le tramway, puisque les couloirs de bus à cet endroit ont été supprimés. Certains diront peut-être que les taxis ne sont pas les plus malheureux puisqu’ils peuvent utiliser ces fameux couloirs de bus. Mais selon Ghania, leur tracé n’a pas été étudié pour vraiment faciliter la circulation de leurs véhicules.
D’une manière générale, deux reproches majeurs sont faits aux taxis parisiens par la population : il n’y en a jamais aux heures de pointe et cela coûte trop cher. La réponse relève d’un paradoxe. Le premier, comme le centre de Paris est trop congestionné, les chauffeurs de taxi préfèrent ne pas s’y aventurer car cela n’est pas assez rentable pour eux. Beaucoup restent au niveau des aéroports, là on ils risquent d’avoir des courses plus intéressantes. Raison pour laquelle selon Ghania, « une baisse des tarifs est inenvisageable. »
Bertrand Delanoë a annoncé qu’en 2007, aucun nouveau couloir de bus ne sera construit. Cependant, tous les autres travaux de voierie continueront à empoisonner la situation.
Pour toute information sur l’Observatoire des déplacements parisiens, consultez le site de la Mairie.